16.07.2019 - Médiatic

La SSR consulte la population sur ses attentes

De gauche à droite Philippe Muheim, de l’agence Altermondo, et Irène Challand ©SSR/Aldo Elena

L’objectif pour la SSR est de pouvoir cibler au mieux les réformes qu’elle entreprendra à l’avenir.

Irène Challand conduit avec le même enthousiasme l’actuel projet de la SSR « Valeur publique » qu’elle l’a fait avec l’Unité des films documentaires à la RTS dont elle fut responsable pendant 17 ans. Intacte aussi sa curiosité de journaliste lorsqu’elle évoque les multiples rencontres dans le cadre de son nouveau mandat, tant avec des décideurs économiques qu’avec des groupes de sexagénaires. Elle arrive de Zurich, repart à La Chaux-de-Fonds et s’arrête à Berne, le temps d’une interview.

Vous êtes entrée en fonction le 1er mars 2018, avant la votation « No Billag », pour un projet sur la perception du service public. Quelques mois avant, Gilles Marchand évoquait la fin possible de la SSR…

Les sondages ont été fluctuants. En décembre 2017, ils disaient une probable acceptation de « No Billag ». De toute façon, il était clair pour Gilles Marchand que le service public devait vivre une série de réformes. Lors de sa conférence de presse en octobre 2017, comme nouveau directeur de la SSR, il a parlé de la création du domaine « Contribution à la société ». Ce qu’il m’a proposé. Avec cette carte blanche pour définir notre responsabilité de service public dans la société et l’assumer au mieux, sans décider seul, ni simplement mettre en application ce que la concession nous impose. Il y a une interaction importante entre la population qui paie la redevance et nous légitime, et nous.

Quels étaient vos atouts?

Le réseau national développé au fil des années. A travers les documentaires, j’ai côtoyé toutes les unités d’entreprise. Gilles Marchand connaissait mon appétence pour la transversalité : coproductions nationales, mise en commun des moyens de production, mise en valeur des programmes des autres régions. Si j’ai eu des doutes sur mes compétences managériales, Gilles Marchand a su me rassurer. Il n’avait pas besoin d’un manager de projet, mais de quelqu’un qui a des convictions, en lien avec la plusvalue de service public, à notre potentiel de contribution à la société. Ce qui a été réalisé dans le cadre des documentaires a montré que c’est possible.

Quelle est l’ossature du projet «Valeur publique»

La SSR, à l’image de tous les médias de service public européens, traverse une crise. Transformation digitale, fragmentation des audiences, compétition globale, consumérisme, baisse des recettes publicitaires et du financement, ce contexte oblige la SSR à s’adapter rapidement. Nous avons défini quatre piliers constitutifs du service public : la démocratie, la diversité culturelle, la cohésion sociale et l’intégration, l’impact économique et l’image sur le pays. L’objectif est de mesurer les performances de la SSR dans ces domaines, ce qui peut être amélioré, les priorités à poser. Ceci à travers une consultation de la population.

Comment s’est déroulée la mise en place du projet?

Dès mai 2018, un groupe de travail a été constitué avec les directrices de la communication des quatre unités d’entreprise, dont Manon Romerio pour la RTS, ainsi que Christian Burger de Swissinfo. Nous avons discuté de la nomenclature de « Valeur publique » que je leur soumettais. L’étude a été validée à chaque étape par le Conseil de direction de la SSR auquel je suis rattachée. Je l’ai présentée aussi devant tous les Comités régionaux en tenant compte de leurs propositions. En septembre, le tour de Suisse était achevé quand le projet a été bloqué durant deux mois…

Pourquoi ce frein?

Deux sociétés régionales, celle de la Suisse alémanique et celle de la Suisse italophone, ont voulu procéder à une large consultation nationale. Elles auraient souhaité que l’entité Association participe déjà, à égalité aux côtés de l’entreprise, à l’infrastructure du projet. Nous craignions de devoir tout reprendre à zéro. Après discussions, il a été convenu de travailler sur deux phases. La phase 1 menée par nous, l’entreprise, et la phase 2 par l’Association.

Comment se déroule la phase 1?

Jusqu’au début juillet, une phase de consultation auprès de l’ensemble de la population est menée au niveau national selon différents dispositifs. Des entretiens individuels sont faits avec quelque nonante personnalités représentatives de tous les domaines de la société civile, en laissant de côté les politiques. Les gens viennent de la culture, du sport, de l’économie, des médias, de la pub… Ils sont professeurs, étudiants, youtubeurs ou chefs d’entreprise. Ensuite, des ateliers à l’interne, 28 en tout, ont été mis sur pied, avec les Conseils de direction des unités d’entreprise, avec des collaborateurs de tous les départements des UE et de la SSR. Nous sommes allés aussi à l’écoute des différentes instances de l’Association. A cela s’ajoutent des ateliers avec la population. En ce qui me concerne, c’était avec de jeunes urbains à Lucerne et des quinquagénaires à Zurich. Enfin, pendant tout le mois de juin, un sondage en ligne, organisé par l’Institut Link, a été réalisé auprès de 1200 résidents en Suisse, de 18 ans et plus, aux connaissances linguistiques suffisamment avancées pour participer au test. De son côté, Swissinfo consultera des Suisses de l’étranger.

D’un point de vue méthodologique, comment avez-vous procédé lors des face-à-face et des ateliers?

Nous avons été accompagnés par l’agence Altermondo de Paris, codirigée par un Fribourgeois, Philippe Muheim. Altermondo proposait de nous impliquer nous-mêmes dans le projet, ce qui nous a plu. Ils nous ont donné des outils pour mener les discussions, documenter ce qui était dit. La phase 1, c’est « écouter » les attentes, non pas dialoguer.

Quel va être le traitement de ces consultations ?

Nous allons réfléchir à la meilleure mise en forme possible des résultats. Nous devrons être rapides car le 12 août, à Locarno, je vais les présenter devant le Comité de direction de la SSR. Trois heures de discussions leur seront dédiées. Il devrait émaner une dizaine de thèses de ces résultats. Le document sera remis en primeur à la Suisse romande lors d’une journée institutionnelle de la RTSR à Lausanne, le 28 août puis, officiellement, lors du Forum SSR à Lucerne, le 26 septembre. Nous nous sommes engagés, à ce stade déjà, à donner un feedback à toutes les parties prenantes consultées. Ensuite, dès la fin août, le projet entrera dans la phase 2, conduite par l’Association.

Autour de quelles lignes de force la deuxième phase du projet va-t-elle s’articuler?

La phase 2 ouvre le dialogue. L’Association pourra débattre des thèses présentées par l’entreprise et qui résumeront les attentes de la société par rapport à notre offre de service public. Ceci aussi bien dans le domaine de l’offre des programmes, de nos valeurs, de notre plus-value que nous devrons affiner, améliorer à l’avenir.

Les quatre sociétés régionales auront-elles une méthode de travail commune?

Clairement, l’entreprise ne veut poser aucune contrainte sur ce plan-là. Chaque région peut ouvrir le dialogue comme elle l’entend. Peut-être qu’une méthode de travail commune donnerait davantage d’impact aux résultats comme l’a souligné la RTSR. Dans toutes mes interventions, j’explique à chaque fois le rôle de l’Association dans la phase 2. Cette consultation peut être un tremplin pour l’Association pour mieux se faire connaître.

Quand devrait aboutir le projet final?

La phase 2 sera la consolidation des résultats. Elle s’achèvera au printemps 2020. Un rapport final suivra, au cours du 2e semestre, avec une communication de l’entreprise et de l’Association.

La mission sera réussie si…

Aujourd’hui, l’audience est la principale boussole qui nous oriente vers un large public et qui nous légitime. Demain, ce large public sera aussi composé de profils de niche que nous devrons satisfaire. J’espère que cette vaste consultation contribuera à définir de nouveaux indicateurs complémentaires qui seraient ceux de la qualité du service public, ou peut-être même un label de qualité.

Propos recueillis par Marie-Françoise Macchi pour le Médiatic N° 207 | Juillet / Août 2019


L’implication de la RTSR

Dans la première phase du projet « Valeur public », des membres de la RTSR et de ses organes ont été conviés à un atelier pour faire part, eux aussi, de leurs attentes vis-à-vis de la SSR. Les questions étaient diverses, portaient tant sur la perception de la SSR que sur l’évaluation de sa performance. Chaque participant était d’abord invité à répondre via une échelle de notation puis une discussion, consignée, était ensuite ouverte. Les résultats de cette première phase de consultations seront présentés le 28 août aux membres actifs de la RTSR (membres des organes RTSR et membres des comités des SRT). Dans la deuxième phase du projet, les sociétés régionales de la SSR mettront les résultats en discussion avec le public de leur région. Pour ce faire, la RTSR organisera différentes manifestations publiques dans les cantons romands.