07.07.2021 - Médiatic

François Küffer: «La programmation musicale, c’est un peu comme un Tetris»

Arrivé par la petite porte, François Küffer est aujourd’hui responsable de la programmation musicale à Couleur 3.

François Küffer est arrivé à la RTS «par la petite porte», dit-il, remplaçant au pied levé l’un de ses amis pour un job d’étudiant à l’archivage. Il saisit alors quelques opportunités au bond et va notamment interviewer deux groupes de musique métal, à l’époque relativement méconnus et qui comptabilisent aujourd’hui près de 100 millions d’albums vendus. Déjà, il a du flair. Lorsqu’un poste de programmateur musical s’ouvre à Couleur 3, François tente sa chance et est engagé. Un métier taillé sur mesure pour ce passionné de musique: «un de mes passetemps favori quand j’étais ado, c’était d’aller chez les disquaires, raconte-t-il. Je prenais des piles de disques de groupes inconnus, j’adorais faire des découvertes».

20 ans après, François Küffer est devenu responsable de la programmation musicale à Couleur 3. Il travaille avec une équipe de programmatrices et programmateurs aux goûts musicaux très variés. Un impératif pour une chaîne aussi éclectique. En plus de la programmation à proprement parler, il fait le lien entre les volontés de la direction et la programmation, gère les contacts avec les groupes et labels, répond aussi aux emails des auditeurs.

Des évolutions majeures…

Lorsqu’on lui demande comment le métier à évolué, François Küffer évoque avec un brin de nostalgie, mais sans mélancolie, le temps où il devait aller chiner chez les disquaires, parfois jusqu’à Londres, pour dénicher des pépites musicales qui n’avaient pas encore traversé la Manche. «J’avais quelques adresses de magasins d’occasion auxquels les journalistes musicaux anglais revendaient leurs disques pour faire un petit peu d’argent en plus» se souvient-il.

Depuis l’avènement du numérique, les choses ont changé. La musique est très rapidement disponible partout et pour tous : «Notre boulot, avant, c’était d’aller chercher les choses et de les proposer. Maintenant c’est d’essayer d’être un prisme, d’être un tamis sur une matière absolument gigantesque». Pour s’aider, chaque programmateur a ses sources : magazines et sites spécialisés, blogs, réseaux sociaux, etc. François les encourage également à aller écouter la musique en live, à assister à des concerts.

…mais une mission identique

Malgré ces évolutions, François Küffer rappelle que la mission musicale de Couleur 3 demeure: «faire découvrir de nouveaux artistes à l’auditeur, l’interpeller ». Ainsi, un morceau ne passe que rarement plus de deux fois à l’antenne en 24 heures et la liste des morceaux diffusés est constamment renouvelée. Les programmateurs se fixent une règle absolue dans le choix des morceaux : «On ne programme pas pour nous, on programme pour l’auditeur. Il faut être capable d’avoir un jugement professionnel par rapport aux morceaux, au-delà de ses goûts».

L’ordre de passage des titres est également crucial et ne saurait être le fruit du hasard: «C’est très important de s’adapter au biorythme de l’auditeur». Une programmation pour un dimanche matin sera très différente de celle d’un vendredi soir ou d’un mercredi après-midi. «Le matin on essaie d’éviter les titres sombres ou au tempo trop lent, afin d’accompagner les gens vers un réveil en bonne humeur» explique François Küffer. Cet impératif oblige les programmateurs à un exercice d’anticipation, se mettre «en mode dimanche matin» un mercredi après-midi par exemple. D’autres règles s’ajoutent encore : ne pas mettre deux morceaux du même genre musical à la suite, privilégier autant que possible la musique suisse – elle représente 22% environ de la programmation totale.

La programmation s’apparente ainsi à un véritable Tetris et changer un morceau implique souvent de repenser l’ensemble de la liste. Un métier de passionné qui a aussi ses défauts : «on n’a plus vraiment le temps d’écouter de la musique pour le plaisir». Devant la matière gigantesque, il faut en effet aller vite et il devient difficile d’écouteur plusieurs fois le même album. «Il ne faut pas s’imaginer que quand on est programmateur musical on arrive, on met les pieds sur le bureau et on écoute de la musique toute la journée», insiste François Küffer.

Le rêve du responsable de la programmation serait «de proposer plusieurs Couleur 3 thématiques : rock, Hip-hop, electro etc.» pour valoriser les «connaissances incroyables» que la chaîne abrite en son sein en matière de musique. Différentes chaînes qui permettraient à l’auditeur de changer de style musical selon ses envies tout en restant dans l’univers Couleur 3. Affaire à suivre.

Texte: par Vladimir Farine, paru dans le magazine médiatic 204 (Décembre 2018/Janvier 2019)