18.08.2021 - Médiatic

Duja aime les gares, pas le train-train quotidien

Duja, sur le quai, dans son «costume de vie» ©RTS/Laurent Bleuze

En pause estivale, l’émission de Duja «Gare à vous» reprendra le 23 août. Rencontre avec son animateur.

Point de départ de Gare à vous, une gare justement, prétexte à explorer une ville (une bourgade comme une métropole) dans toutes ses dimensions en compagnie de fins limiers des lieux. Depuis l’automne dernier, les auditrices et auditeurs de La Première embarquent ainsi à 9h30 et arrivent à destination à 10h. Aux commandes, Duja.

Faire une émission en parlant de gare, vous y pensiez depuis longtemps?

J’ai toujours été fasciné par les trains, les gares, non pas par leur côté technique, mais par l’aspect romantique, voyage, découverte. Quand j’allais au gymnase, j’avais deux potes qui, arrivés à la gare de Bienne, s’enfilaient parfois dans un autre train, au hasard. Oser aller jusqu’à… Kerzers. Je voyais cela comme le summum de l’indocilité.

Venons-en à Gare à vous, saison 2. L’émission repart-elle selon le même format?

Oui, mais Gare à vous aura une voilure un peu réduite. Nous privilégierons les destinations en Suisse romande. Nous irons encore en Suisse alémanique et au Tessin, mais à une fréquence amoindrie.

A vous entendre, on comprend que l’idée «de tourner dans un lieu proche, c’est plus simple», ne vous convainc guère…

Je vais aller à la Vallée de Joux. Il faut trouver des sujets originaux, jongler entre les figures emblématiques des lieux mais aussi donner la parole à des gens qui portent un regard différent sur la Vallée, savoir ménager les susceptibilités. C’est tout le défi de l’émission d’allier histoire, tradition, patrimoine et culture. Le but est de décloisonner des régions, des villes. Gare à vous est l’émission qui s’arrête là où l’on ne s’arrête jamais…

En période de semi-confinement, aller à la rencontre des gens a dû être galère…

Avec le réalisateur Thierry Châtel, nous étions à Saint-Gall en janvier. Pendant trois jours, c’était pluie, neige et bistrots fermés. Toute une rue ressemble à Berlin, avec un côté multiculturel. Nous n’avons rien pu montrer. A la place, nous nous sommes retrouvés dans un hall d’hôtel, avec notre accompagnatrice. En même temps, ce furent des moments d’échanges géniaux. Il a fallu chercher l’enthousiasme et l’énergie pour faire vivre cette ville aux oreilles des auditeurs et auditrices. On a fini par s’émerveiller d’un lieu où l’on servait un café et trois personnes sous la pluie qui se parlaient avec des masques. Tout peut être aventure!

Dans Bille en tête, vous étiez en duo avec Philippe Ligron. Animer en solo a-t-il été difficile?

J’ai une autre écoute. Dans Bille en tête, je disais parfois des âneries juste pour déstabiliser mon copain Ligron et qu’il se passe des choses à l’antenne. Maintenant, c’est plus sérieux et j’ai pu vivre des moments incroyables de complicité.

Des souvenirs?

Avec ma guide à Baden, Béatrice Candrian. Il faisait froid et c’était glissant. A la fin du reportage, elle m’a dit: «Est-ce que je peux prendre votre bras?» Je me promenais avec cette nonagénaire alerte à mon bras qui m’expliquait l’architecture Art nouveau de la ville avec son accent mâtiné d’anglais, d’allemand et de français. C’était surréaliste. J’aime donner cette idée du gars un peu vieux punk, métalo, qui arrive débraillé et tout à coup, il se passe des connexions mentales avec un interlocuteur. On est juste dans l’échange, sans frontière de génération.

N’êtes-vous pas finalement prisonnier de votre propre look?

Non, c’est mon costume de vie. Je suis à fond dans la culture rock depuis l’âge de 14 ans. J’ai deux groupes de rock, j’ai écrit deux bouquins. Quand Lemmy du groupe Motörhead est mort, à 70 balais, il avait toujours ses santiags, des jeans déchirés, des tatouages et des grosses bagues.

Vous verra-t-on un jour en chemise blanche et jeans bleus?

J’envisage sérieusement de devenir un jour journaliste parlementaire ou d’animer une émission de débats politiques. C’est une espèce de fantasme. La politique m’a toujours intéressé, je la connais plutôt bien et je n’ai pas la langue de bois. Je pourrais être plus redoutable que les correspondants actuels. Alors là, oui, j’aimerais aller au Palais fédéral avec un costard italien très serré. Il faut savoir adapter son costume. Si je vais à un concert de metal, je mets un teeshirt à tête de mort et des chaînes.

Le mouvement #MeToo a-t-il changé votre manière de faire des blagues?

Il m’est arrivé parfois de déraper, peut-être d’être grossier, mais jamais vulgaire. Avec Philippe (Ligron), on a veillé à ne jamais être méchants. Bille en tête tournait beaucoup autour du boire et du manger et les métiers de bouche restent majoritairement masculins. Maintenant, dans Gare à vous, je parle d’art, de culture, de patrimoine avec essentiellement des interlocutrices. Ça conditionne le ton de l’émission, même de manière inconsciente.

Texte: par Marie-Françoise Macchi, paru dans le magazine médiatic 217 (Juillet 2021/Août 2021)