28.06.2024 - Médiatic

Rencontre avec David Lemos, journaliste sportif à la RTS

David Lemos, journaliste Sports RTS RTS © Jay Louvion

Le doublé de David Lemos

Le commentateur de la Nati pour la RTS enchaînera, pour la troisième fois de sa carrière, la couverture de l’Euro puis des JO. Comme les sportifs, le journaliste a sa phase de préparation. Intense. Dans le café où nous le rencontrons, il recherche un coin loin des regards pour un échange chaleureux.

Les médias vous sollicitent régulièrement, vous seriez le commentateur « chouchou des Romand·es ». Cette notoriété change-t-elle vos habitudes ?

En termes d’exposition, on ne fait pas mieux que le sport à des moments comme les Jeux Olympiques, l’Euro, le Mondial. Lors de l’Euro 2020, il y a eu l’exploit de l’équipe de Suisse contre la France, avec la folie qui s’est emparée des rues. Commenter ce match-là apporte soudain une exposition, qui n’est pas celle qu’on recherche en faisant le métier de journaliste. On n’est pas des artistes, on ne fait pas cela pour gagner du public… Quand on me contacte pour une interview, ça me fait plaisir, mais une part de moi se demande : est-ce ma place ? Quand on m’aborde pour parler de foot, avoir mon avis, je réponds volontiers si cela est fait de manière non agressive et n’empiète pas sur un moment clairement privé. Sinon, on ne me voit pas dans les soirées lausannoises ! A priori, j’aime plutôt la discrétion.

Pour être le meilleur possible à l’antenne, comment vous préparez-vous ?

Il n’est pas envisageable de commencer un grand tournoi sans avoir, pour chaque équipe que je vais commenter, des fiches individuelles avec les caractéristiques de chaque joueur. Ensuite, il y a la préparation du match en tant que telle, avec l’historique des deux équipes, leur parcours récent et les dernières infos à intégrer. Seul 5 à 10% de ce qui a été préparé est utilisé mais ce travail de fond est ma sécurité. Je peux arriver serein sur l’événement, tout en sachant qu’un match, c’est avant tout raconter ce qui se passe, faire vivre des émotions.

Aux Jeux Olympiques, quel sera votre programme ?

Je commente la natation et là aussi, ce sont des fiches à préparer sur des dizaines de nageuses et nageurs. Les épreuves démarrent le 27 juillet et durent 8 jours. Ensuite, je suis à la disposition de notre chef de projet sur place, Julien Baszanger. Selon les besoins, je peux aller présenter un sujet depuis notre studio à Paris ou des compétitions…

Présenter un événement majeur d’un sport qu’on connaît peu, ce n’est pas évident…

Ne m’en parlez pas ! A Rio, en raison d’un changement de programme, Julien Baszanger me demande à 21h de présenter la demi-finale de badminton le lendemain, à 9h. J’ai passé une partie de la nuit à lire les règles d’un sport que je n’avais jamais commenté et à me renseigner sur les joueurs. Ce n’était pas mon heure de gloire, mais je l’ai fait. On a tous vécu des moments pareils. On travaille de 7h à 23h, mais en même temps, on est aux Jeux Olympiques et c’est que du bonheur !

Comment est né votre intérêt pour la natation ? Etes-vous un ex-compétiteur ?

On peut présenter la F1 sans être pilote, non ? Quand le journaliste titulaire a quitté son poste, j’ai dit mon intérêt. Bien avant d’entrer à la RTS (en 2010), j’aimais l’adrénaline particulière à la natation. Commenter un chronomètre avec des sportives et sportifs qui se battent pour un centième de seconde, assister à des destins individuels qui s’écrivent pendant les JO, j’adore ça. Quand j’ai commenté mes premiers JO à Rio, on était loin d’imaginer des médailles suisses. Depuis, des talents ont éclos, comme Jérémy Desplanches, Noé Ponti, Roman Mityukov et qui sait, des podiums à commenter à Paris.

Depuis près de 25 ans, vous côtoyez le milieu du football. Comment a-t-il évolué ?

Les contacts avec les joueurs n’ont plus rien à voir avec ceux de mes débuts. De plus en plus d’intermédiaires ont été placés entre les journalistes et les sportifs. Quasiment chaque échange avec un joueur de l’équipe suisse entre dans un cadre précis, négocié en amont. Autrefois, footballeurs, staff et journalistes voyageaient dans le même avion, si bien que nous avions 20-30 minutes de discussions informelles en attendant nos bagages. Cela n’a pas dû plaire à tout le monde car désormais nous ne prenons plus les mêmes vols.

Vous avez 44 ans, une carrière bien construite. Et la suite ? Auriez-vous envie de prendre des responsabilités managériales ?

Essayer d’être un meilleur journaliste chaque année m’a porté jusque-là, sans penser à un poste à responsabilités. D’ailleurs, un bon journaliste ne fait pas toujours un bon chef. Je le sais, j’aime le terrain. Et c’est là où je peux, je crois, le mieux rendre service à la RTS aujourd’hui. Cela dit, une carrière est longue et je ne veux rien exclure. Peut-être aurai-je envie de relever un autre type de défi ? Pour l’heure, ce n’est pas à l’ordre du jour.

Des journalistes font des paris fous si leur équipe nationale parvient à la finale. Seriez vous prêt à raser votre barbe pour la Nati ?

Ces paris viennent dans l’euphorie d’un moment. Comme je donne peu de chance à la Suisse d’être en finale, je pourrais m’y engager. Mais non, je ne le ferai pas !

 

Par Marie-Françoise Macchi

Paru dans le magazine Médiatic 227 (juin 2024)