23.06.2021 - Médiatic

Aurélie Cuttat: «J’ai toujours fait ce dont j’avais envie»

©RTS/Laurent Bleuze

Interview de la journaliste dont la chronique, «Tout Nouvo, tout Bo», s’arrêtera dans quelques jours.

À la fameuse phrase «je ne serais pas arrivée là, si…», que répondez-vous?

On dit qu’il n’y a pas de hasard, mais dans mon parcours, il y en a passablement… Je ne me destinais pas du tout au journalisme. Quand j’étais au lycée à Porrentruy, je voulais devenir prof de sport et finalement j’ai coché l’option Théâtre. J’adorais ça mais je n’avais pas le courage de me lancer. Puis, après trois ans d’études théâtrales au Québec, de retour en Suisse, j’ai travaillé au Grand Théâtre à Genève comme technicienne éclairagiste. Pile au moment où je commençais à avoir envie de bouger, en 2011, naissait la radio locale GRRIF à Delémont à laquelle j’ai postulé pour faire de l’animation. J’avais fait un peu de radio au Canada. J’y suis allée, au culot. Ensuite, mes collègues m’ont dit: «Tu ne parles que d’actualités, fais du journalisme!». Voilà comment, à 24 ans, je me suis retrouvée inscrite au Centre romand de formation des journalistes. C’est compliqué de trouver de la cohérence dans mon parcours, mais j’ai toujours fait ce dont j’avais envie.

Il y a eu, dites-vous, des personnes fondamentales qui vous ont donné confiance. Lesquelles?

La première, ma prof de théâtre à Porrentruy, Laure Donzé, m’a appris que je pouvais et devais avoir confiance en moi. Ainsi, j’arriverais à faire des choses intéressantes. À 16 ans, ce n’était pas tout à fait clair. Le deuxième, Cédric Adrover, mon chef à la radio GRRIF. Aujourd’hui, il est responsable du bureau régional pour la TV à Moutier. J’ai expérimenté avec lui qu’avoir une hiérarchie pouvait ne pas être catastrophique. J’avais le droit de ne pas être d’accord. J’ai acquis une assurance pour oser remettre les choses en question, avec le plus de diplomatie possible. Ce que je continue à faire à la RTS. Le troisième, mon collègue de Nouvo, Marc Gagliardone. Partir avec lui sur le terrain fut une révélation: non, je n’étais pas obligée de toujours travailler en solitaire.

Votre départ de l’équipe de Nouvo est officialisé. Quels sont vos projets?

Je passe du département de l’Actualité à l’unité Magazine et Société. Je proposerai des nouvelles vidéos digitales dès la fin de l’été mais, pour l’heure, elles restent à imaginer avec les équipes des Magazines. Ce sera mon travail des prochains mois. On a vu qu’une chronique comme Tout Nouvo, Tout Bo, créée au départ pour le web, a pu être amenée avec succès dans le 12h45. Évitons de dresser un mur entre le numérique d’un côté, le broadcast – TV et radio – de l’autre. Mon désir est de maintenir un lien entre les deux, ce qui permet notamment de multiplier les publics.

L’ultime Tout Nouvo, Tout Bo sera diffusée le 25 juin. Quel bilan faites-vous après ces 120 capsules?

J’ai dû lire au moins 2000 bonnes nouvelles si j’inclus toutes celles que je n’ai pas retenues. Ça file la pêche par les temps qui courent. Aujourd’hui, quand je consulte les médias, je repère mieux ce qui est constructif, avant j’avais l’impression que tout était lourd. À la radio, j’étais facilement cynique, ce n’est plus dans mes cordes. J’ai besoin de donner des news qui ouvrent vers l’espoir. En trois ans, j’ai été modelée à cela.

Dans vos sujets, vous vous êtes montrée engagée, pour la planète, la cause LGBT. C’est important ?

Je n’ai pas l’impression d’être engagée. Mais comme je donne de ma personne dans cette chronique, j’ai par exemple montré mon salon pendant le confinement, ça va dans la même veine. Comment construire une chronique sur l’homosexualité et ne pas dire que j’en suis ? C’est moins du militantisme que l’ouverture à qui je suis. Petit à petit, j’ai osé dire des choses et ma hiérarchie m’a fait confiance. Quand Tout Nouvo, Tout Bo a été diffusée dans le 12h45, on craignait la réaction des téléspectateurs, plus âgés que sur le web. En fait, beaucoup adorent.

Coupe de cheveux, lèvres très rouges, vous avez fait de vous un vrai personnage…

Cinq minutes avant le tournage, je mets du rouge à lèvres, maquille mes yeux. C’est un moment où je me mets en condition. Si la journée n’a pas été bonne ou la nuit marquée par une insomnie, ça m’aide à rentrer dans ce personnage qui s’est construit progressivement. Quand j’écris le scénario, j’imagine des gens qui se répondent. Si j’apparais seule à l’écran, je suis, moi, avec ma bande de personnages imaginaires.

Le théâtre a été une de vos passions. La page est-elle tournée?

Oh non! J’ai plein d’envies en lien avec la fiction. Je ne sais pas quelle tournure cela prendra. J’adorerais faire revivre le Hörspiel, le théâtre radiophonique. Pendant dix ans, le théâtre a été ma vie. J’ai monté notamment deux pièces professionnelles avec ma compagnie de l’époque. Le théâtre c’est ma famille et on ne renie pas sa famille. Mais pour l’instant, je suis plutôt obnubilée par ce que je vais faire au mois de juillet!

Texte: Propos recueillis par Marie-Françoise Macchi, paru dans le magazine médiatic 216 (Mai/Juin 2021)