23.10.2025 - Médiatic

Emilie Gasc, une voix dans la nuit

Emilie Gasc (RTS © Jay Louvion)

Emilie Gasc fait parler les Romand.e.s depuis presque 20 ans. Arrivée à RTS Couleur 3 en 2007, la Française n’a plus quitté la RTS et anime désormais Drôle d’époque sur RTS Première. Elle sera dès janvier la voix de l’emblématique Ligne de Coeur, du lundi au jeudi soir. Une suite logique pour celle qui ne cesse de s’intéresser à l’humain et de se mettre à son écoute.

Comment êtes-vous arrivée à la RTS ?
Par RTS Couleur 3. C’est Jean-Luc Lehmann (réd. : l’ancien directeur de la chaîne) qui m’a contactée pour rejoindre Duja. J’ai apporté des reportages dans l’émission de Duja et on a été en duo trois ans.

Avant ça, vous viviez à Montréal. Qu’est-ce qui vous a motivée à venir à la RTS ?
RTS Couleur 3 c’était vraiment une radio mythique, je ne pouvais pas ne pas venir. Je savais que c’était un passage que je souhaitais dans mon parcours. Je m’étais dit que je venais trois ans et, finalement, cinq ans ont passé extrêmement vite. On ne voit pas le temps passer à RTS Couleur 3. Et puis j’ai eu une proposition de rejoindre RTS Première, où j’ai fait l’émission Passagère pendant cinq ans aussi et après j’ai travaillé sur d’autres émissions et maintenant… La Ligne de Cœur.

Qu’est-ce qui vous plaît dans cette entreprise, pour y travailler depuis bientôt vingt ans ?
C’est extrêmement impressionnant d’avoir autant de moyens pour un bassin de population qui serait l’équivalent d’une grande région de France. C’est extraordinaire. La pluralité, la diversité, la passion des gens… et la singularité. RTS Couleur 3, c’est vraiment une radio singulière à l’échelle mondiale. RTS Première, ce qui m’a donné envie de les rejoindre, c’est aussi les gens qui font ce métier. Et puis, trois ans ce n’est pas assez pour comprendre la Suisse, elle est sans cesse à découvrir. J’ai passé mon temps à discuter avec les gens qui me racontaient leur vie, leur enfance, leurs souvenirs, leurs paysages intérieurs et plus ça allait, plus ça devenait les miens, plus je me sentais suissesse. Je le suis devenue d’ailleurs. (…)

Les Suisses sont différent.e.s des Français.e.s ou des Québecois.e.s ?
Oui, surtout dans le rapport à la parole. Quand je suis arrivée il y a presque 20 ans, les réseaux sociaux n’étaient pas encore là, le « je » n’était pas au centre des conversations, il y avait une grande pudeur, c’était très fort le fait de parler, ça engageait vraiment et c’était d’autant plus beau d’y arriver.

C’est ce qui vous plaît dans votre métier ?
Je ne sais pas. Ce n’est pas un métier que j’ai fait parce que je voulais faire ça, c’est vraiment le métier qui correspond à tout ce que je suis. Ma vie c’est la radio, elle est tout le temps là, dans tout ce que je fais, dans toutes les questions que je peux poser…

Vous avez en effet commencé la radio très jeune. Pourquoi ce médium-là ?
Ça rejoint La Ligne de Cœur : j’ai eu une enfance très particulière, avec des années sans scolarité, donc énormément de temps seule, sans autre enfant avec qui jouer. La radio était une présence merveilleuse. Le soir, c’était une voix dans la nuit. Et c’est un instant unique. On ne réécoute pas, il faut être devant le poste à ce moment-là. (…) C’est d’ailleurs ce que je vais faire avec La Ligne de Cœur : on ne pourra pas réécouter l’émission.

Justement, beaucoup d’émissions que vous avez animées mettent l’humain au centre. La Ligne de Cœur s’inscrit dans cette continuité ?
Oui, ça va même au-delà. Ce qui m’intéresse, c’est de donner accès à tous les gens, parce que c’est vraiment un moteur de vie, c’est les autres qui m’animent. Savoir comment chacun fait son existence, ressent, perçoit, vibre… et toutes ces années, sans que je m’en rende compte, m’ont préparée à aller là. C’est offrir quelque chose de puissant à la communauté que d’être disponible pendant deux heures pour écouter.

Appeler La Ligne de Cœur, c’est une bouffée d’air pour certaines personnes. Comment le vivez-vous ?
C’est une responsabilité. Je suis soucieuse d’offrir le plus grand respect et toute la disponibilité que j’aurai. Je ne suis pas une spécialiste, peut-être qu’il y aura des maladresses, mais ça sera à cœur ouvert et avec l’honnêteté de dire « je ne sais pas quoi répondre ». J’espère qu’on va partager au-delà de toutes les générations, de toutes les réalités.

Des animateurs et animatrices emblématiques de la RTS, comme Jean-Marc Richard qui prend sa retraite, se sont succédé.e.s au sein de l’émission. C’est intimidant d’arriver à leur suite ?
Je suis sereine avec ça. Jean-Marc s’en va, vive Jean-Marc. Moi je m’appelle Émilie, j’ai une autre histoire, j’ai une autre voix, un autre regard, une autre écoute, une autre sensibilité. J’aurai une autre Ligne de Cœur. On apprendra à faire connaissance !

Par Nina Beuret

Paru dans le magazine Médiatic 232 (octobre 2025)