14.05.2020 - Médiatic

La RTS au temps du coronavirus

©RTS/Laurent Bleuze

Nouveaux programmes et nouvelles façons de travailler.

En période de crise, c’est au service public que les Romands font confiance pour s’informer. En un temps record, la RTS a su adapter ses programmes à la crise sanitaire et les collaborateurs leur manière de travailler

Période historique

AntiVirus a remplacé temporairement Couleurs locales, des rendez-vous inédits, comme Y’a pas école? ont été imaginés, Mise au point et TTC ont quitté leur studio et sont intégrés au 19h30… C’est donc l’entier des programmes télévisés de la RTS qui a été impacté par la crise du coronavirus comme l’explique Martina Chyba, cheffe de l’Unité Magazines et Société: «Le premier élément a été d’adapter nos manières de produire aux exigences sanitaires prises pour protéger les collaborateurs : pas d’invités en plateau, des interviews par Skype, un nombre limité de personnes en régie et en studio, des distances à maintenir lors des tournages… Dans une deuxième étape, les émissions déjà existantes ont été repensées. Par exemple, 36,9 et Dans la tête de… ont collaboré sur une émission commune autour des conséquences du confinement, Temps présent a bouleversé complètement sa programmation. Enfin, des nouveautés ont été créées, comme un divertissement Bon pour la santé, ou une quotidienne, On se bouge! avec des exercices de Pilates, fitness, cardio, yoga. La demande du public était pressante. On a réagi plus vite que France Télévisions sur ce coup, si bien que TV5 Monde diffuse notre émission.»

Si le public, momentanément confiné, a retrouvé le plaisir de se rassembler autour d’un média traditionnel, il le vit autrement: «C’est une nouvelle télé qu’on cofabrique avec les gens. Ils nous fournissent du matériel, se filment, proposent des sujets», analyse Martina Chyba. En conclusion, la journaliste relève l’impact patrimonial des images en train de se faire: «De cette crise sanitaire historique, nos enfants et petits-enfants verront ce que tourne aujourd’hui le 19h30, Mise au point, 36,9… C’est le rôle du service public de fournir ce patrimoine, ces témoignages, ce décryptage.»

Audiences

La population a eu besoin d’être informée, conseillée, accompagnée et surtout connaître la situation du Covid-19 en Suisse. Pour cela, elle a privilégié l’offre transmédia de la RTS. Les audiences ont explosé. En télé, celles du 19h30 ont triplé certains soirs avec une pointe de 687 000 téléspectateurs et près de 80% de parts de marché (pdm) le dimanche 15 mars.

Les plateformes digitales ont doublé le nombre de leurs visites. L’écoute de podcasts originaux a grimpé, spécialement Au temps du coronavirus (20 500 téléchargements + 3700 démarrages par épisode).

Les Romands ont éprouvé aussi l’envie de rigoler un coup et le divertissement Bon pour la santé a touché 255 000 téléspectateurs et une pdm de 36,7%, c’est exceptionnel pour un samedi en prime time. Enfin, le 1er avril, les exercices de gym ont démarré fort sur RTS 2 : On se bouge! a fait 49,6% de pdm alors que la même case du matin, début mars, dépassait à peine les 11%.

Télétravail

Jean-Luc Rieder présente du lundi au jeudi Figures Libres sur Espace 2. Trois heures d’émission qu’il monte désormais chez lui: «Techniquement c’est assez trapu: je prends connaissance des musiques, prépare ma petite mixture perso, enregistre mes micros, fournis mes lectures ‹brutes› puis envoie les rushes à mon réalisateur Gérald Hiestand, qui découpe, nettoie et propose son ‹final cut› puis met cela dans la boîte informatique de diffusion de l’émission. Je réécoute ensuite le tout pour vérification. Donc au lieu du direct et sa spontanéité, un travail confiné techniquement complexe, découpé en fines tranches, et ralenti par des systèmes informatiques saturés. Le plus ardu? Me retrouver seul dans mon petit bureau. Il a fallu trouver un ‹son› plausible, radiogénique. Mais comme je nous sens tous isolés, techniciens radio, collègues informaticiens… et auditrices, auditeurs, je ressens paradoxalement une espèce de ‹proximité attendrie› entre nous toutes et tous.»

Publicité

Les revenus publicitaires s’effondrent dans tous les secteurs. Les inquiétudes de Gilles Marchand, directeur général de la SSR: «La situation publicitaire est extrêmement difficile, pour la SSR comme pour tous les médias. Nous allons perdre plusieurs dizaines de millions en 2020. Et, au-delà de l’année en cours, se pose la question du niveau de reprise en 2021. J’espère vivement que les investissements publicitaires vont accompagner la reprise de l’économie. Sinon cela deviendra très difficile pour nous de maintenir toutes les prestations que le public plébiscite en ce moment. Et dans ce cas, la question du modèle de financement (redevance et publicité) deviendrait un vrai sujet. Un sujet politique.»

Le mot du directeur général de la SSR

«Cette crise est ainsi l’occasion pour nous de tester notre capacité à affronter des situations extrêmes, à inventer des réponses professionnelles inédites, à tester la résilience de nos systèmes. Et nous avons fait face, ensemble. Je suis fier de la qualité des programmes que nous proposons, dans tous les domaines. Je suis très heureux aussi de constater, malgré la fatigue, la grande empathie dont nos collègues font preuve vis-à-vis du public. Et il le leur rend bien! Nos programmes sont massivement suivis, la confiance est grande. Et c’est bien le paradoxe de cette crise. D’une part elle nous plonge dans d’immenses difficultés, notamment économiques. De l’autre elle réassure comme jamais peut-être, la légitimité du service public. Nous devrons tirer les enseignements dans cette période unique (…). Car il y a certainement des aspects positifs à garder.»

Texte: Marie-Françoise Macchi, paru dans le magazine Médiatic 211 (Mai/Juin 2020)