25.03.2024 - Médiatic

Le bon équilibre de la programmation TV à la RTS

Luc Guillet, chef de la Programmation TV © RTS/Anne Kearney

Les audiences 2023 publiées par la RTS montrent que la popularité de la télévision reste forte en Suisse. Près de deux personnes sur trois regardent la télévision quotidiennement. La programmation TV reste ainsi une unité stratégique de poids pour la RTS. Mais comment construire un programme TV pertinent pour le public ? Décryptage du petit écran avec Luc Guillet, chef de la Programmation TV à la RTS.

La construction d’une programmation TV est un travail d’équilibres complexe. La grille des programmes de la RTS est constituée de deux types de contenus : les productions propres et les achats, comme les films, documentaires ou dessins animés. Pour la chaîne RTS 1, près de 70% des contenus diffusés sont des achats. Luc Guillet justifie ce chiffre par le fait que « la production propre coûte très cher, alors que les achats sont indexés sur notre public potentiel, ce qui nous permet d’obtenir des contenus à un prix intéressant, car la Suisse romande représente un petit marché ». Les achats sont ainsi utilisés pour proposer une grille des programmes complète et variée, dans laquelle la RTS peut insérer ses productions propres de qualité, tout en respectant son budget.

Un positionnement favorable

Parmi ces achats, les programmes « inédits », encore jamais diffusés à la télévision, sont une chance pour la RTS de se positionner favorablement face à la concurrence. Comme toutes les chaînes de télévision, elle effectue une veille des programmations concurrentes. Luc Guillet explique que la RTS réussit à obtenir un avantage face aux autres télévisions : « lors de nos acquisitions de contenus, nous négocions l’obtention de la primo-diffusion, c’est-à-dire la garantie de pouvoir diffuser quelques jours avant les chaînes françaises. » Cette primo-diffusion est un enjeu primordial pour la RTS dans son positionnement face à la concurrence, afin de conserver le public romand sur ses chaînes.

L’actualité ou la saisonnalité peuvent, en outre, déterminer le choix de certains programmes. Par exemple, à l’approche des Fêtes de fin d’année, des téléfilms romantiques de Noël ou des éditions spéciales de jeux seront proposés au public. Suivre l’actualité nécessite parfois d’adapter la programmation en fonction d’événements marquants. « Par exemple, lors d’un décès d’une personnalité, nous évaluons si nous pouvons faire un hommage ou non », indique Luc Guillet. Il donne un autre exemple : « Si le volume 2 d’un film à succès sort au cinéma, nous allons faire en sorte de rediffuser le volume 1 en TV quelques jours avant ». Le public étant lui-même marqué par l’actualité, la programmation TV de la RTS adapte ses choix éditoriaux pour correspondre aux attentes du public.

Connaître ses publics

Comment peut-on alors déterminer les contenus qui vont plaire aux téléspectateur·trices ? « Le b.a.-ba est la sociologie du public », souligne Luc Guillet. Il explique que de nombreuses études sont mises en place pour connaître les attentes du public, notamment en fonction du rythme de vie de la population. Une grande partie de la population ne regarde pas la télévision la journée, car elle étudie, travaille ou fait des activités. Le soir est, au contraire, le moment où le public consacre le plus de temps aux médias, ce qui est appelé le prime time. Luc Guillet cite ici la BBC : « le soir, il y a trois grands moments : « informer, éclairer et divertir ». À la RTS, nous informons entre 19h et 20h avec Couleurs locales et le 19h30, nous éclairons avec nos magazines de société tels que Mise au point, ABE ou Temps présent entre 20h et 21h, et ensuite nous proposons des contenus de détente comme les fictions ou les spectacles d’humour ». Ces études rendent ainsi compte des comportements du public, et l’analyse des audiences permet d’observer des tendances et de définir les programmes que le public aime regarder.

Ces analyses mettent aussi en avant les évolutions de consommation, notamment la baisse de la télévision linéaire au détriment du non linéaire. Luc Guillet souligne une distinction importante : « le temps passé par le public devant son grand écran du salon ne diminue pas. En revanche, le temps de consommation de la TV classique linéaire diminue, tandis que le temps consacré aux plateformes ou au rattrapage non linéaire augmente ». Ainsi, la consommation globale des médias audiovisuels ne diminue pas, mais les vecteurs se diversifient, le public privilégiant une consommation hybride. Adaptée à cette tendance, la RTS continue de développer l’offre disponible sur sa plateforme Play RTS.

L’écoute des attentes du public va toutefois de pair avec le mandat de service public. Luc Guillet souligne que la responsabilité de la RTS est de « porter les valeurs du service public. Nous faisons de la télévision pour qu’elle soit regardée et appréciée par le plus grand nombre de Romandes et de Romands possible. Cela signifie assumer la diversité des contenus et ne pas travailler que pour les audiences. » La force des médias de service public est en effet de créer des équilibres et proposer une offre variée pour tous les publics.

Par Marie Jaquet

Paru dans le magazine Médiatic 226 (mars 2024)