10.05.2022 - Médiatic

Les jeunes années de la radio en Suisse romande

Roland Pièce devant le premier émetteur du Champ-de l'Air ©Pierre-Yves Pièce

Plongée dans les premières décennies de la passionnante épopée radiophonique romande.

Des débuts musicaux

Le 14 février 1922, le radiotélégraphiste Roland Pièce installe non loin de l’aérodrome lausannois au Champ-de-l’Air le premier émetteur public de radio de Suisse. Son but : transmettre des informations météorologiques aux avions qui relient Paris à Lausanne. Le bricoleur autodidacte a toutefois très vite l’idée de destiner son cher poste de télégraphie à une finalité plus récréative.

A l’inauguration du nouvel émetteur, le 26 octobre 1922 à l’hôtel Beau-Rivage, absence remarquée de Roland Pièce. En coulisse, depuis le studio, lui et ses collaborateurs préparent une surprise. En plein banquet, stupeur: les convives entendent de la musique sans qu’aucun orchestre ne soit présent… La première émission radiophonique en direct de Suisse est en cours de diffusion. Près d’un an plus tard, un duo piano-violoncelle est diffusé depuis le studio de Cointrin à Genève.

Les années suivantes, des voix radiophoniques célèbres émergent déjà des deux studios. «Squibbs» commente le sport avec ferveur, «Oncle Henri» anime une émission pour les enfants et les timbres du speaker de Radio-Genève, «Anatole», et de la speakerine de Radio-Lausanne, «Hortense», deviennent familiers aux auditeur·trices. Dans une archive télévisée de 1970, «Anatole» se souvient d’une radio dans laquelle la spécialisation n’existait pas encore et où l’on pouvait être à la fois commentateur, journaliste, coursier, technicien, musicien…

Naissance de la SSR

En 1931, les sociétés régionales de radio sont réunies dans une seule organisation avec une concession nationale exclusive : la SSR dont le siège est à Berne. Une nouvelle structure que le Conseil fédéral justifie par l’accession de la radio, vu son essor, au rang de « service public ». Les deux studios romands doivent alors se partager les huit heures d’émission de l’émetteur de Sottens.

La technologie liée à l’enregistrement sonore évolue et permet plus de souplesse dans la diffusion. Le différé complète ainsi le direct, jusqu’ici inévitable. L’actualité reste l’apanage de la presse qui défend ses intérêts auprès des autorités. La SSR peut uniquement diffuser les contenus d’actualité produits par l’Agence télégraphique suisse (ATS). En 1935, Radio-Lausanne s’installe dans la nouvelle Maison de la Radio érigée à La Sallaz et des voitures de reportage complètent l’arsenal des journalistes. L’offre programmatique est enrichie, notamment dans le domaine du sport. La transmission du Tour de Suisse en 1935 est un énorme succès.

Le service public durant la guerre

Informer, cultiver, distraire : ces trois rôles de service public confiés à la radio se renforcent durant la Seconde Guerre mondiale. Dès 1941 et jusqu’en 1944, pour Radio-Genève, René Payot propose chaque vendredi soir un point sur la situation internationale. C’est à cette période également qu’est lancé Le Quart d’heure vaudois dans lequel un trio joue avec les bons mots. L’objectif déclaré de ce rendez-vous ? Amuser avec intelligence. Une légèreté bienvenue dans cette période sombre. Véritable succès populaire, Le Quart d’heure vaudois se prolongera bien après la fin des hostilités, jusqu’en 1969.

Depuis le début de la Guerre, la concession octroyée à la SSR est suspendue et la radiodiffusion suisse passe sous le contrôle du Conseil fédéral et de l’armée. En 1942, cette dernière décide que les prévisions météorologiques doivent être diffusées à la radio « pour l’agriculture ». Après les moqueries du journal satirique Nebelspalter, cet ajout est supprimé. Le 20 juillet 1945, l’ancienne concession de la SSR entre de nouveau en vigueur et les organes de la SSR récupèrent leurs pleins droits.

Essor et popularisation

En 1945, l’armistice suscite des programmes spéciaux réalisés dans l’allégresse. Des voies nouvelles s’ouvrent pour les reporters et les auditeur·trices veulent une radio davantage en prise sur l’actualité. Une année plus tard, Roland Nordmann et Jack Rollan de Radio Lausanne lancent la « Chaîne du bonheur » pour collecter des fonds au profit de personnes en difficulté en Suisse et à l’étranger. La radio s’impose peu à peu et devient incontournable. Peu avant 1959, le nombre de concessionnaires dépasse le million, ce qui signifie que presque chaque ménage possède alors un appareil de réception.

Pour aller plus loin

Texte: par Vladimir Farine, paru dans le magazine Médiatic 221 (Mai/Juin 2022)