07.12.2023 - SSR Suisse romande

Mario Annoni se confie sur son mandat de président de la SSR Suisse Romande

Mario Annoni, président de la SSR.SR © RTS/Jay Louvion

Avant de quitter la SSR Suisse Romande à la fin de l’année 2023, le Bernois Mario Annoni nous a accordé un entretien sincère autour de son expérience et des prochains défis du service public.

Après 8 ans au Comité régional, Mario Annoni accède à la présidence de la SSR Suisse Romande en 2020. Une présidence « transitoire », selon ses propos, car limitée à un mandat de 4 ans. L’expérience, selon lui, n’en fut toutefois pas moins belle et enrichissante.

 

Pourquoi avoir accepté le mandat de Président de la SSR Suisse Romande en 2020 ?

J’étais déjà au Comité régional et j’ai trouvé que le travail et les objectifs de l’Association SSR Suisse Romande étaient très importants pour l’information et le fonctionnement du système d’un média de service public. D’autre part, Elisabeth Baume-Schneider qui était pressentie pour succéder à Jean-François Roth a été élue au Conseil des États. Elle ne pouvait donc plus assumer la présidence de la SSR Suisse Romande. C’est alors que j’ai repris cette présidence pour 4 ans. Tout cela me fait dire que c’est aussi un peu grâce à moi qu’Elisabeth Baume-Schneider est devenue conseillère fédérale (rires).

En quoi votre expérience au Comité régional vous a particulièrement servi pour la présidence ?

Vous vivez le système depuis l’intérieur. Vous avez des contacts avec l’entreprise RTS, avec les responsables, mais aussi avec les organes de la SSR.SR. Je trouve que la manière de concevoir, travailler et relater l’information et le divertissement est assez extraordinaire dans un média de service public. C’est intéressant et captivant de fréquenter et d’échanger avec ces personnes. Je pouvais le vivre cette fois-ci du même côté qu’eux, à l’inverse de quand j’étais Conseiller d’Etat. Je pense que mon expérience dans le domaine public pouvait servir mon engagement dans un média de service public.

Donc votre carrière politique vous a également passablement servi dans ce rôle.

Absolument. Surtout venant d’une région périphérique comme celle du Grand Chasseral, petite région romande aux limites de la Suisse alémanique. Je pouvais donc aussi faire part d’un discours assez équilibré, expliquer comment réagissent les Alémaniques par rapport à certains sujets. C’est toujours intéressant pour ceux qui doivent réceptionner l’information et décider. Mon réseau n’était pas seulement suisse romand mais il était aussi alémanique. Cela a servi.

Est-ce que vous aviez un « petit plus » ou une touche personnelle qui, selon vous, a pu vous aider dans ce rôle de président ?

C’est difficile de me juger moi-même. Je n’aime pas faire ce genre d’exercice. Toutefois, je pense que j’ai mon style à moi, j’ai ma manière de m’exprimer et d’appréhender les problèmes. Il y en a qui aiment bien, il y en a qui n’aiment pas, il faut faire avec. Je suis assez direct. Ceci dit, j’ai quand même le sentiment d’être éduqué (rires).

D’autre part, il y a ma conviction de l’importance du maintien d’une institution de service public médiatique comme la SSR SRG. Elle participe à la création du lien entre les personnes qui vivent dans ce pays. Un service médiatique public de qualité, capable d’analyser, d’informer, de divertir avec un certain niveau, de créer le lien dans les différentes communautés linguistiques et culturelles du pays et entre elles, est primordial.

Pour conserver ce lien dont vous parlez, à quoi devront ressembler les médias de service public de demain ? Quels seront leurs défis ?

Il y a les grands défis technologiques comme la digitalisation qui nécessitent d’importants investissements. D’autre part, il y a le défi pour un média de service public de s’adapter à l’évolution de la société. Il doit être à l’écoute, s’adapter et avoir des produits qui répondent aux attentes du public. Ce n’est pas lui qui dicte les agendas ou les évolutions, mais il les suit et les rend intelligibles pour ceux qui se posent des questions. C’est cela un média de service public, il a cette mission de questionner et d’expliquer. Et pour exécuter correctement cette mission, il a besoin de moyens. Un tel service doit aussi rechercher l’équilibre dans sa production globale. Il faut des émissions qui parlent de tous les comportements sociétaux. Dans ce cadre-là, le rôle du Conseil du public est important, car il analyse et transmet les critiques aux professionnels.

Et comment conserver ce même lien avec les jeunes, qui sont le public de demain ?

Des enquêtes montrent que la RTS a une image assez favorable chez les jeunes, qui disent que les contenus de la RTS sont solides. Il faut donc continuer sur cette voie. Il faut aussi continuer à s’intéresser aux problèmes des jeunes, à parler d’eux, à considérer leurs espoirs comme leurs angoisses. Il existe maintenant des produits à la RTS – comme Tataki – qui démontrent que l’on s’est penché sur la problématique.

Revenons sur votre expérience personnelle : que retenez-vous de ces 4 ans de présidence ?

Au début, il y a eu la pandémie qui a coupé notre élan, car c’était juste au moment où nous étions en train de reconstituer nos comités cantonaux et régional. Cela a été une période difficile.

Ensuite, la révision de nos statuts et la création de la SSR Suisse Romande ont été bien acceptés. Ces changements facilitent notre fonctionnement et nous permettent de mieux expliquer notre rôle. Nous avons pu bien faire passer le message.

Grâce aux initiatives de nos SSR cantonales et à nos campagnes de promotion organisées avec la RTS, nous avons accueilli de nouveaux membres.

Les échanges constants avec les professionnels·elles de la RTS, leur participation active aux manifestations ou aux conférences organisées par les SSR cantonales sont aussi la preuve de la vitalité du modèle associatif des SSR. Je n’ai pas connaissance de l’existence d’une structure comparable ailleurs dans laquelle les citoyens·ennes participent aussi activement aux activités d’un média de service public.

La recomposition du secrétariat régional et la préparation d’une stratégie régionale en adéquation avec la stratégie nationale de la SSR SRG ont augmenté la crédibilité et la légitimité de la SSR.SR auprès de tous les acteurs gravitant autour de nos activités. Nous disposons d’un secrétariat régional où la force de l’expérience et la créativité de la jeunesse serviront efficacement nos activités prochaines.

Selon vous, quel défi devra relever votre successeur ?

Evidemment, mon successeur sera confronté à un problème politique majeur, celui de l’initiative « 200 francs ça suffit ». Une stratégie sur la manière de lutter intelligemment contre cette initiative sera nécessaire, notamment pour faire passer une argumentation favorable au service public. Se limiter à des propos lénifiants sur les bienfaits des émissions pour la démocratie et la cohésion nationale ne sera pas suffisant. Même si cela est vrai et essentiel, nous devrons préparer et développer encore plus d’arguments pour convaincre. Il y aura là un travail très étroit à mettre sur pied avec la RTS et avec les sociétés cantonales pour mobiliser les gens. Cela sera, à mon avis, le grand défi de la prochaine présidence.

Et vous, personnellement, quels sont vos projets pour le futur ?

Une devise de l’ancien régime bernois disait « servir et disparaître ». J’entre petit à petit dans la deuxième partie de la devise (rires). L’année prochaine j’aurai 70 ans, je suis grand-père, je sens qu’il faut aussi se retirer progressivement.

Ceci dit, mon activité à la SSR Suisse Romande était une belle expérience. Elle m’a permis d’entrer en contact avec des personnes de qualité à tous les niveaux de mon activité au sein de la SSR.SR comme de la RTS. En plus, siégeant d’office au Conseil d’administration de la SSR SRG, elle m’a permis d’y défendre, efficacement je l’espère, les intérêts de la Suisse romande. C’était aussi ma mission.

 

Par Marie Jaquet

Paru dans le magazine Médiatic 225 (octobre/novembre 2023)