15.10.2019 - Médiatic

Rencontre avec Matthieu Fournier, présentateur de «Passe-moi les jumelles»

Matthieu Fournier à vélo dans le Jura © RTS/Laurent Bleuze

Ce trentenaire sportif, funambule des mots, raconte son job. Avec passion.

Après 4 ans passés comme journaliste reporter d’image (JRI) à Fribourg-Régions, Matthieu Fournier a eu envie de ralentir le rythme haletant de l’actu et a rejoint Passe-moi les jumelles. Le Valaisan ne pouvait rêver mieux, lui, le natif de Veysonnaz, initié gamin à l’alpinisme par un père guide de montagne. Sans dénaturer l’esprit contemplatif de PAJU, le présentateur lui a insufflé un nouvel élan, confirmé par les audiences qui ont grimpé parfois au-dessus des 40% de parts de marché.

Vous avez avalé 365 km et 9400 mètres de montées à travers l’itinéraire Jura Bike. Comment vous sentez-vous, le nez dans le guidon?

Hyper bien! Début septembre, on a enregistré les émissions 5, 6, 7, et 8. Là, je suis content du résultat. J’avais envie qu’on ressente les espaces immenses. Du Jura jurassien au Jura vaudois, une évolution toute douce se fait dans les paysages, les forêts qu’on rencontre. Il fallait montrer cela mais également la ville d’où démarre chaque étape. Trouver la recette pour combiner les deux n’a pas été facile. D’un point de vue narratif, la série sur les bivouacs de cet hiver était plus simple, le point d’arrivée étant obligatoire, on filmait le trajet.

Avez-vous pédalé sur tout le parcours, sans tricher?

Oui! En juin, lors des repérages, j’ai fait 9 jours de vélo d’affilée. C’est indispensable d’avoir le ressenti de chaque étape si je dois en parler et écrire des textes à propos du vélo. J’envoyais des photos géolocalisées à Thibaut Kahlbacher, le réalisateur assistant qui m’accompagnait, sur ce qui semblait intéressant à montrer. Lui partait en voiture vérifier ce qui était faisable avec les équipes. Dans un second temps, lors du tournage avec le caméraman et preneur de son, il faut aller vite. Je fais de petits bouts à vélo et de gros trajets en voiture. Le caméraman est installé avec le trépied dans le coffre d’une voiture et moi, je pédale derrière…

Une caméra était-elle installée aussi sur votre casque?

Une première avait été fixée sur le guidon et une seconde sur le casque. Au rendu, ce sont des images à connotation très sportive, pour des reportages rythmés. Introduire des images qui tremblent, ce n’est pas dans l’esprit de PAJU. Elles serviront plutôt pour les réseaux sociaux.

PAJU a en effet donné un coup d’accélérateur sur les réseaux sociaux. Vous en avez le temps et les moyens?

Les prestations pour la présentation ont été diminuées afin de dégager des moyens pour le web. Sébastien Foggiato a été engagé à 80% et moi, j’ai le mandat d’y consacrer 20 jours par an. C’est peu. Il faut surtout imaginer quoi faire d’original pour capter ce public qui ne regarde pas la télé. Vous êtes débordant d’idées, de projets… Que proposerez-vous pour la saison 2020 ? On va faire 24 émissions, 24 cantons, 24 sommets, soit le plus haut de chaque canton. Des collines parfois, mais aussi la Pointe Dufour en Valais à 4634 mètres. En juillet, j’en ai gravi une douzaine afin d’évaluer les difficultés de ceux qui me sont peu connus. J’ai envie de montrer la Suisse dans toute sa diversité. Ce qu’on nous a reproché de ne pas assez faire en tant que service public. Si nous sommes presque tous passés à Bâle ou Zurich, qui connaît le canton d’Uri et ses magnifiques montagnes à Andermatt?

Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin?

Déjà ma femme et mon fils. Il a 13 mois et l’heure du lever dépend de la sienne ! Sinon, j’essaie d’apporter un peu de beauté et d’inattendu dans ce que je fais. Quand je bossais pour le TJ comme JRI, je me disais, «si à chaque reportage, tu trouves une image que personne n’a cherché à prendre, c’est bien».

Quel métier n’auriez-vous pas pu exercer?

Travailler dans un domaine où, très concrètement, on n’a pas l’impression d’apporter du bienfait aux gens ou à la planète, comme dans une entreprise agro-alimentaire un peu chimique.

Vous aviez démarré des études de médecine. C’était en lien avec votre mère?

Mon grand-père maternel était anesthésiste et ma mère généraliste. Elle travaillait aussi pour Air Glaciers. Ils venaient la chercher en hélicoptère qui se posait dans le pré, en dessous de la maison. Enfant, ça m’a fait rêver. J’ai aussi beaucoup pratiqué la montagne avec Jacques Richon, à la fois chirurgien, sauveteur et guide. Combiner les deux disciplines m’intéressait. Mais à 18 ans, l’univers des études de médecine, tel que je l’ai projeté, ne m’a pas plu. À 31 ans, j’aurais travaillé où ? À l’hôpital, comme médecin assistant et j’aurais fait beaucoup moins de voyages, de rencontres, de lectures.

Texte: Marie-Françoise Macchi, paru dans le Médiatic 208 (Octobre/Novembre 2019)