04.11.2025 - Médiatic

La RTS veut augmenter l’audience de ses plateformes numériques

Eric Borgo, responsable de la transformation numérique à la RTS (RTS © Philippe Christin)

Que ce soit en radio ou en télévision, les usages changent et les publics aussi. Pour ne pas décrocher, la RTS accélère sa transition numérique afin d’augmenter la fréquentation de ses plateformes numériques par la population romande : cela concerne notamment Play RTS. Une transformation culturelle et organisationnelle autant que technologique.

Un atout précieux

L’érosion des audiences du broadcast n’est pas nouvelle, mais elle s’accélère, en Suisse comme ailleurs, médias publics et privés confondus. La RTS n’y échappe pas mais conserve un avantage décisif : la confiance du public. Ce n’est pas rien, c’est même la condition essentielle d’un média qui continue d’exister.

« La confiance dans les médias est plus élevée en Suisse que chez nos voisins et cela se vérifie encore plus fortement pour le service public », constate Eric Borgo, responsable de la transformation numérique à la RTS. Selon lui, la qualité médiatique et un paysage politique moins polarisé qu’ailleurs participent à expliquer cette singularité.

Basculement de logique

Face à cette érosion des médias traditionnels, la RTS s’est fixé une direction commune pour ces prochaines années afin d’accroître l’empreinte de ses plateformes propres, c’est-à-dire le nombre de personnes qui utilisent chaque semaine les applications et le streaming de la RTS. « Derrière cela, il y a la volonté de renforcer notre rôle de média de service public dans un paysage médiatique en pleine mutation et de garantir que nos contenus restent accessibles, pertinents et utiles pour l’ensemble des Romandes et Romands », explique Eric Borgo.

Investir le terrain numérique n’est pas nouveau pour la RTS. RTS Tataki a fêté ses huit ans cette année et la RTS a été la première en Suisse à lancer un site d’information en ligne. Mais aujourd’hui, on parle d’une véritable bascule : « Nous devons passer d’une logique radio/télévision/numérique à une logique audio/vidéo, quels que soient les vecteurs », résume Eric Borgo. Cela signifie aussi rapprocher les équipes et décloisonner les métiers : journalistes, spécialistes data, créateurs et créatrices de formats courts devront toujours plus travailler ensemble. La radio et la télévision ne disparaissent pas et conservent leurs usages propres, notamment le direct et l’accompagnement.

L’IA reste incontournable

Pour Eric Borgo, l’intelligence artificielle représente pour les médias une révolution au moins aussi importante que celle des réseaux sociaux. « Nous l’utilisons sur la base d’une charte éthique claire », insiste-t-il. À la RTS, l’IA simplifie d’abord des tâches répétitives : annoter des articles, retranscrire des interviews, classer des archives. Elle peut aussi faciliter le travail d’investigation en permettant de faire le tri dans d’immenses volumes de données.

« Je vous donne un exemple concret : aucun.e journaliste ne s’est engagé.e dans ce métier pour étiqueter ses articles », rappelle Eric Borgo. L’IA libère du temps pour ce qui compte : produire de l’information fiable et de qualité. Nous devons nous concentrer sur la plus-value humaine face à des IA qui peuvent synthétiser en une seconde ce que des humains mettaient des heures à faire. Qui rédigera encore des notes de séances sans appui de l’IA dans un an ?

Des contenus liquides

Pour rester présente, la RTS mise sur ses propres canaux tout en maintenant une présence sur les réseaux sociaux. « En rapatriant le public sur nos propres plateformes, nous sommes aussi moins soumis à des changements d’algorithmes qui, du jour au lendemain, peuvent invisibiliser nos contenus ».

Dans le futur, un mot clé pour Eric Borgo : « le contenu liquide ». L’idée est simple : une enquête, par exemple, pourra être lue sur l’application RTS Info, écoutée en podcast long ou visionnée sous forme de vidéo, selon les préférences. Le résumé en points-clés au début des articles RTS Info illustre déjà cette logique : celles et ceux qui veulent aller à l’essentiel s’y arrêtent, les autres poursuivent la lecture. « Tous les signaux que nous observons indiquent que nous allons dans cette direction. À terme, le public décidera de la forme sous laquelle il désire s’informer sur un sujet. »

Tester pour avancer

La RTS s’inspire des modèles étrangers, de la BBC aux médias scandinaves, qui ont fait de l’expérimentation rapide une culture d’entreprise : tester, corriger, recommencer. « L’idée n’est pas de tout essayer sans réfléchir », insiste Eric Borgo, « mais d’apprendre rapidement de ses erreurs, d’investir intelligemment dans les nouvelles technologies et avant tout de répondre aux évolutions des besoins des publics. »

Par Vladimir Farine

Paru dans le magazine Médiatic 232 (octobre 2025)