13.03.2014 -

Une redevance presque universelle?

Ce mercredi 12 mars, le National empoignait la loi sur la ­radio et la télévision LRTV.

Au premier regard, ce mercredi 12 mars a pu paraître comme une Berezina politique pour la conseillère nationale Natalie Rickli. Le National empoignait la loi sur la ­radio et la télévision, la LRTV, le principal champ de bataille de la jeune UDC zurichoise. Par ailleurs employée du groupe de média privé Goldbach, la politicienne ferraille depuis des années contre la SSR.

Non pour faire disparaître le géant public: la députée assure ne pas vouloir la disparition de la redevance, mais sa réduction, à 360 francs. Elle réclame un débat sur les missions du service public et les liens entre SSR et diffuseurs privés. Cohérente sur ce point, elle ­demande la levée des limites – par exemple en termes de nombre de concessions – pour les médias privés, tout en déplorant le fait que les radios et TV locales soient devenues «dépendantes de l’Etat» s’agissant de la redevance – elles en touchent 4%, et en demandent davantage.

Ce qui n’est pas le sujet du moment, rétorque Doris Leuthard. Les Chambres abordent cette ré­vision de la LRTV pour un motif dominant, demandé par les parlementaires: l’instauration de la redevance universelle, payée par tous les ménages et bon nombre d’entreprises.

Pour les particuliers, la redevance, qui rapporte 1,3 milliard par année, baisserait de 462 francs à environ 400 francs, selon la promesse du Conseil fédéral. Les entreprises au chiffre d’affaires de plus de 500 000 francs y seraient soumises, soit 140 000 sociétés, contre environ 100 000 actuellement.

La redevance généralisée remplace la pratique actuelle, l’assujettissement basé sur la possession d’un appareil permettant de recevoir les programmes de la SSR. Le Tribunal administratif fédéral avait entrouvert la voie à la redevance généralisée, en considérant smartphones et PC comme de tels appareils.

Il faut en finir avec «la question oiseuse de savoir quel appareil permet ou non la réception. Tous les nouveaux écrans le font», a plaidé, pour la commission, Martin Candinas (PDC/GR). «Indispensable au maintien d’une politique démocratique des médias», selon la Fribourgeoise Valérie Piller Carrard (PS), l’appui élargi à la SSR doit être perçu par «un organe centralisé» du type Billag, solution la plus simple et la moins chère, selon la majorité de la commission.

Déjà, Natalie Rickli n’a pas réussi à faire refuser l’entrée en matière, ne glanant que 68 voix contre 119, et aucune abstention. Elle n’a pas eu plus de succès à propos du renvoi de la loi, elle qui proposait que le Conseil fédéral statue sur le service public et fasse voter au peuple le principe d’un impôt pour les médias.

Très discutées, proposées par les vert’libéraux et soutenues par certains écologistes au nom de l’équité sociale de l’impôt, la suppression de Billag et la perception de la taxe SSR à travers l’impôt ont aussi été balayées. Ensuite, toutes les propositions de la Zurichoise, et plus largement des sceptiques à l’égard de la SSR, ont été refusées, notamment l’attribution de la compétence de fixer le prix de la redevance au parlement ou le fameux montant de 360 francs.

Pourtant, toutes les options fa­vorables au service public n’ont pas passé la rampe. D’abord, s’agissant de savoir s’il faut réintroduire la possibilité de se défausser si l’on n’a aucun appareil recevant les programmes de la SSR (l’opting-out); Natalie Rickli a fustigé des «injustices», le fait que diplomates et employés de la SSR soient exemptés, alors que sourds et aveugles devront payer.

Après un long débat, les députés ont accepté un curieux compromis. Les gens n’ayant aucun appareil de réception pourront être épargnés pendant cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi, a priori 2018. ­Argument: 1% seulement des foyers n’ont aucun équipement, soit 20 000 ménages, et il s’agit surtout de personnes âgées, qui forment «un nombre fini, et décroissant», selon Kurt Fluri (PLR/SO).

Surtout, il a fallu la voix du pré­sident, le PDC Ruedi Lustenberger (LU), pour que les entreprises ne soient pas exemptées de la taxe. Les employés payant déjà la redevance, il y a là un doublon injustifiable, selon le vert’libéral Jürg Grossen (BE). Surtout que dans certains cas, l’addition grimpera. Pour sa scierie, de 600 francs à 15 600 francs, déplore Jean-François Rime (UDC/FR).

De tels bonds n’affecteront que 20% des entreprises, se défend Doris Leuthard, qui insiste: seuls 30% des sociétés devront payer. Cependant, la ministre devra batailler. Après un score aussi serré à la Chambre du peuple, l’assujettissement des entreprises n’est pas garanti au sortir du débat aux Etats. De fait, la réticence face à la SSR gagne du terrain, notamment dans les rangs PLR.

Par Nicolas Dufour
Le Temps du 13.03.2014